Project Description

Manifeste du codéveloppement à l’air du Covid-19

Un groupe de six praticiens, dont plusieurs membres de l’AQCP (Claude Champagne, Muriel Langouche, Anne-Marie Seimandi), qui pratiquent en mode virtuel le codéveloppement ont décidé de vous partager certaines questions et conclusions qui se sont dégagées de leurs échanges.

codeveloppement

Comment puis-je aider avec le codéveloppement dans le contexte de la pandémie ?

C’est à peu près la question que nous nous partagions toutes et tous lors de notre dernière rencontre de codéveloppement qui réunit en distanciel six praticiens du codéveloppement provenant de la France, de la Belgique et du Québec (notre collègue marocaine étant prise dans la rue avec Covid-19). Une même préoccupation avec six angles légèrement différents. Nous aurions pu l’aborder dans un format de réunion de discussion, ce qui aurait été différent de nos habitudes et aurait pu être approprié. Fidèles à notre fonctionnement qui nous aide à réfléchir à notre pratique, nous avons convenu de traiter la question en mode de codéveloppement, à partir du projet d’aider porté par l’une d’entre nous avec son questionnement : comment, avec quels enjeux éthiques, à quel moment…

À l’étape du bilan de groupe, nous avons décidé de partager certaines des questions/conclusions qui se sont dégagées de nos échanges, ne rompant pas ainsi les questions de confidentialité car toutes/tous sommes d’accord avec ce qui suit.

  • La situation actuelle de confinement et de distanciation sociale pour réduire la transmission du virus amène à réfléchir sur la nécessité d’être en relation et sur les façons de le faire. C’est aussi une occasion de se retrouver avec soi-même et avec ses proches.
  • Les rencontres en face-à-face étant hors de question, le distanciel devient une option de plus en plus pertinente. Il existe des applications dédiées et des outils de travail collaboratif comme Zoom et Skype, Teams ou autres. Elles peuvent permettre de tenir des rencontres de codéveloppement sans contact physique, mais où un sentiment de proximité peut être retrouvé. C’est une option qui permet de répondre à des besoins réels.
  • En ces temps difficiles, la formule habituelle du groupe de codéveloppement doit être adaptée. Il est possible que le dispositif puisse se déployer avec des groupes qui ne se rencontreront pas à plusieurs reprises. Il pourrait se tenir avec des collaborateurs qui font partie d’une équipe incluant leur manager. Il pourrait se tenir dans un temps plus court. Mais le cadre, même s’il est convenu plus rapidement, est toujours important.
  • On peut même envisager que le codéveloppement vise simplement la résolution de problème ou à réduire le sentiment d’isolement plutôt que de se mettre dans une perspective d’apprentissage et de développement.
  • Et il y a peut-être des groupes qui échangent déjà en ligne (groupes de parents, groupes d’entraide, groupes de jeunes) qui pourraient profiter d’un échange plus structuré à travers un processus de codéveloppement renforcé et adapté.
  • Enfin, il y a des personnes qui ne sont pas sur la ligne de feu pour qui l’habituel codéveloppement en distanciel serait des plus approprié pour répondre à leurs besoins.

Même si nous ne sommes pas des soignants, nous avons des expertises et des outils qui peuvent être utiles. Nous ne proposons pas une panacée. Le codéveloppement doit être animé par des personnes compétentes qui connaissent leurs limites. Pour un praticien qui n’est pas outillé pour le faire, réunir des personnes en grande fatigue ou en détresse psychologique, même si c’est avec l’intention d’aider, ne rendrait service à personne.

Proposer généreusement un espace flexible et sécuritaire d’échange, sans insister, aux personnes que cela pourrait intéresser est peut-être le mieux que l’on puisse faire. Il n’est pas question ici de profiter d’une crise pour vendre un service, mais de contribuer à l’effort collectif à titre solidaire et bénévole.

Ultimement, dans les moments difficiles que nous traversons, il importe peu que cela s’appelle du codéveloppement ou que cela en soit, si cela peut aider. Le codéveloppement n’est pas une méthode à la recherche d’un problème. Nous ne sommes pas des praticiens qui n’avons qu’un seul marteau comme outil et qui serions à la recherche de clous à enfoncer mais des personnes et des praticiens qui souhaitons le mieux pour tous.

Ce que nous avons vécu en séance, ce que nous vivons actuellement chacune et chacun, amène à la fois du questionnement, de l’ouverture et de l’humanité. Nous ne détenons aucune bonne réponse et restons vigilants à nous adapter à chaque personne et à chaque situation avec toute l’humilité inhérente
à notre pratique pour apprendre ensemble et s’entraider.

Peut-être tirerons-nous aussi des leçons de cette expérience. Que la force du codéveloppement soit avec vous !

(Et pour les praticiens de codéveloppement intéressés, notre séance a été bien particulière. Nous portions tous une préoccupation commune et avons choisi de traiter le sujet conformément avec la méthode qui invite à ce que le sujet soit porté par une personne. Il n’a pas toujours été facile de suivre le processus habituel, mais nous avons été au bout de l’exercice. Si bien qu’à la fin, la cliente avait trouvé de petites réponses à ce qu’elle avait présenté, mais se sentait seule alors qu’elle aurait souhaité une plus grande mobilisation collective de nous tous. C’est comme si le problème était encore là. C’est un bel exemple d’un problème non-résolu en codéveloppement ou à tout le moins en voie de l’être, mais où nous avons réalisé des apprentissages importants car la rencontre a été éclairante sur notre pratique. À partir de sa synthèse et du sentiment de solitude qu’elle a nommé, notre dernière étape a été des plus productives. Un des résultats se retrouve dans les lignes qui précédent et qui dans ce cas-ci ont répondu à la demande de la cliente de se mobiliser comme groupe !)

Anne-Marie Seimandi
Catherine Boudewyn
Claude Champagne
Josée Meyer
Muriel Langouche
Wafa Mihoub
2020-03-22
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